La déclaration officielle a été lue devant la presse ce samedi 14 juin à Matadi, chef-lieu de la province. Les pêcheurs y adressent leurs recommandations au président de la République, au gouvernement congolais, à la Banque mondiale, à la société civile du Kongo Central, ainsi qu’à l’ensemble des pêcheurs de la République démocratique du Congo.
Selon Daniel Kiyana Matondo, président provincial de l’APEKOC, qui a procédé à la lecture de ladite déclaration, l’association, forte des réalités observées après la construction d’Inga 1 et 2, appelle le chef de l’État à préserver l’identité de la RDC en tant que pays engagé dans la lutte contre le changement climatique. Elle invite le gouvernement congolais et la Banque mondiale à privilégier une politique de décentralisation énergétique et à éviter toute initiative allant à l’encontre d’une transition juste.
Les recommandations de l’APEKOC sont les suivantes :
- Au Président de la République : de garantir l’identité de la RDC comme pays solution au changement climatique en évitant tout projet contraire à la transition juste. Cas du projet Grand Inga ;
- Au Gouvernement Congolais et à la Banque Mondiale : de mettre en place une politique de la décentralisation énergétique et d’éviter tout projet énergivore non juste, cas du grand Barrage Inga ;et les pêcheurs dénoncent toute Étude d’Impact Environnementale qui ne les implique pas y compris la société civile ;
- À la Société Civile du Congo Central : produire et publier une Étude alternative sur les Impacts Environnementaux du projet Grand Inga ;et d’accompagner et sensibiliser la population Congolaise sur les enjeux écologiques du grand barrage et pour prendre une position pour le bien-être de tous ;
- Aux pêcheurs de la RDC : de rester vigilants, unis pour protéger, promouvoir et défendre les droits des pêcheurs et des cours d’eau en RDC ;
L’APEKOC a également exprimé ses vives inquiétudes quant à l’avenir de la pêche et des écosystèmes aquatiques, à la lumière des expériences passées. Selon l’association, plus de 40 ans après la construction des deux premiers barrages, les effets négatifs sur le bassin inférieur du fleuve Congo sont manifestes. Elle redoute que la construction du barrage Inga 3 entraîne une diminution du niveau d’eau, un ralentissement du courant et une dégradation de la biodiversité aquatique.
Par ailleurs, l’association rappelle le rôle crucial du fleuve Congo en tant que l’un des plus grands puits naturels de carbone au monde. Or, les modifications du régime hydrologique risquent de réduire l’accès à l’eau douce, de détériorer les écosystèmes marins et d’exposer les ressources halieutiques à des risques accrus, mettant ainsi en péril la sécurité alimentaire et l’avenir du secteur de la pêche.
Elle note également une baisse alarmante du débit du fleuve, affaibli par la diminution de celui de ses affluents, estimée entre 30 et 40 %. L’APEKOC met en garde contre les projets à « gains rapides », tels que le corridor Inga–Kasumbalesa, qui comportent selon elle de graves risques environnementaux, dont la disparition d’espèces de poissons, la perturbation de la pêche et la salinisation des eaux fluviales en raison de la remontée de l’océan Atlantique, accentuée par la baisse de la vitesse d’écoulement.
« Si nous ne faisons pas attention à la manière dont notre argent est investi, il est probable que nous soutenions des pratiques responsables de la destruction de notre planète », avertit l’APEKOC dans son communiqué.
L’association affirme que la construction du barrage pourrait également mettre en danger la ville de Kinshasa en augmentant les risques d’inondation, et rendre le fleuve non navigable entre Banana et Matadi, en raison de l’ensablement des zones de divagation. « Pour nous, le fleuve est notre vie. Le protéger est un devoir. Y construire un barrage revient à exclure les pêcheurs de la politique nationale », martèle-t-elle.
Il faut dire qu’à travers cette déclaration, l’APEKOC salue les efforts en cours au Parlement pour l’élaboration d’une nouvelle loi sur la pêche en RDC. Le texte actuellement en vigueur, datant de 1937, ne correspond plus aux réalités du secteur. L’association espère que cette réforme apportera enfin une reconnaissance réelle et un encadrement durable aux pêcheurs congolais.