Sur le plan économique, des résultats tangibles sont visibles. Le taux d’inflation a été maîtrisé, passant de près de 24 % en 2023 à moins de 10 % aujourd’hui. Le franc congolais s’est stabilisé autour de 2 850 CDF pour un dollar américain, et les réserves de change ont été renforcées, atteignant plus de 6 milliards de dollars. Les relations avec les bailleurs de fonds internationaux se sont également consolidées. Le gouvernement a réussi à apaiser certaines tensions sociales en revalorisant le salaire minimum et en maîtrisant partiellement les prix des produits de première nécessité.
Le volet social a enregistré quelques avancées notables avec la gratuité des soins de maternité et la poursuite de la gratuité de l’enseignement primaire. Le programme de développement local des 145 territoires a été relancé, bien que son déploiement reste lent. Des investissements ont été annoncés dans les secteurs de l’agro-industrie, du textile et du ciment, visant à stimuler l’emploi local. Des initiatives comme le programme TRANSFORME soutiennent les jeunes entrepreneurs congolais par des financements et de la formation.
Cependant, les effets de ces mesures tardent à se faire sentir pour une grande partie de la population. Le chômage reste élevé, les conditions de vie demeurent difficiles et de nombreuses zones rurales manquent d’infrastructures de base. Les retards dans la mise en œuvre des projets sociaux alimentent un sentiment d’attente et de frustration parmi les citoyens.
Un pas diplomatique important pour la sécurité
Sur le plan sécuritaire, des avancées significatives sont en cours. Malgré la complexité de la situation dans l’est du pays, le gouvernement congolais a intensifié ses efforts sur le front diplomatique. Grâce à une médiation soutenue par les États-Unis d’Amérique, un accord historique a été conclu avec le Rwanda dans la recherche de la paix. La Première ministre Judith Suminwa s’est personnellement engagée pour la stabilisation des zones encore sous l’occupation des rebelles de l’AFC/M23, soutenus par Kigali.
Politiquement, Judith Suminwa représente un poids important en matière de représentation féminine dans les institutions. Son style de gouvernance, jugé sobre et technocratique, inspire confiance à certains observateurs. Pourtant, au-delà de la personne, c’est la mécanique du pouvoir elle-même qui pose question. En RDC, un gouvernement ne peut fonctionner efficacement si les ministres agissent avant tout comme des « agents du Président », sans réelle reddition de comptes à leur chef direct, le Premier ministre. Malgré les dispositions de la Constitution, le fonctionnement du gouvernement repose sur une logique déséquilibrée. L’organe censé incarner la collégialité de l’action publique se disloque en pratique, chaque ministre semblant obéir à sa propre ligne, souvent dictée par le Palais de la Nation.
Dans ce contexte, le Premier ministre devient un coordinateur sans réel levier, contraint de gérer des individualités et des ambitions personnelles plutôt que de piloter une équipe cohérente et alignée sur une feuille de route commune. Ce dysfonctionnement fragilise non seulement l’efficacité de l’action gouvernementale, mais aussi la crédibilité de la fonction de chef du gouvernement.
Tant que cette dualité de pouvoir ne sera pas clairement résolue au profit d’une véritable culture républicaine, la démocratie congolaise risque de demeurer une façade. Si l’autorité du Premier ministre est vidée de sa substance et si la séparation des pouvoirs est contournée par des pratiques de cour, le régime parlementaire perd alors son sens.
Judith Suminwa, malgré ses efforts, semble prise au piège de cette contradiction structurelle. Son avenir politique dépendra non seulement de sa capacité à imposer une direction claire, mais aussi de sa volonté ou de son pouvoir réel de restaurer la cohérence au sein de l’action gouvernementale. Son passage à la Primature est, quoi qu’il en soit, symboliquement fort et mérite d’être salué.