Nous avons pris part, samedi 13 décembre, au gymnase du stade Tata Raphaël, à un important événement : le face-à-face entre le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et environ 3 000 jeunes venus de toutes les provinces de la République démocratique du Congo. Présentée par plusieurs observateurs comme une réussite sur le plan organisationnel et comme une innovation dans le rapport de proximité entre le pouvoir public et la jeunesse, cette rencontre a incontestablement marqué un tournant symbolique. Elle a cependant laissé subsister des interrogations sérieuses quant aux modalités de sélection des intervenants, lesquelles ont, de fait, amputé l’événement d’une part substantielle de la richesse et de la sincérité de l’expression juvénile attendue.
Une volonté réelle de contribuer à l’essor de l’étudiant
Dès l’annonce de cet événement, nous nous sommes préparés à répondre à l’appel de la ministre nationale de la Jeunesse, dont l’ambition affichée est de promouvoir une jeunesse écoutée, comprise et participant activement à la construction nationale. Dans cette optique, nous avons entrepris un travail de fond consistant à réunir nos données de recherche, mûries depuis 2022, afin de produire un document de réflexion destiné non à une satisfaction individuelle, mais à l’ensemble de la communauté estudiantine congolaise, bien que nous n’en fassions plus partie depuis 2023.
Ce document d’une vingtaine de pages, intitulé « Placer l’étudiant au centre du développement national », repose sur cinq axes stratégiques visant à corriger l’inadéquation persistante entre les cursus académiques et l’employabilité des jeunes diplômés ; inadéquation dont le chômage massif des jeunes constitue aujourd’hui l’une des conséquences les plus visibles et les plus préoccupantes. Animés par la conviction ferme que l’étudiant doit être pensé comme un levier stratégique du développement national, nous espérions pouvoir porter cette réflexion directement auprès du garant de la Nation.


Sécurité, oui mais à quel prix démocratique ?
Il est admis que, dans un contexte impliquant le Chef de l’État, des impératifs stricts de sûreté dictent les modalités d’organisation et de prise de parole. Nul ne conteste la légitimité de ces exigences. Cependant, ces mesures auraient gagné en efficacité et en légitimité si elles avaient été mieux anticipées et plus inclusives, sans sacrifier la diversité et la profondeur des contributions.
Premièrement, sur l’anticipation : le dispositif numérique destiné à la collecte des préoccupations juvéniles n’a été rendu public que 24 heures avant la tenue du face-à-face. Un délai objectivement insuffisant pour permettre une participation qualitative, une analyse sérieuse des contributions, une sélection pertinente des questions et, surtout, une préparation psychologique et protocolaire adéquate des différents intervenants.
Deuxièmement, sur l’inclusivité : en complément du canal numérique, nous avons choisi d’exprimer physiquement notre présence et notre volonté de contribution à travers un calicot, symbole visible d’un travail de fond mené au nom des étudiants du Congo. Cette démarche n’était ni folklorique ni opportuniste : elle visait simplement à se faire remarquer pour défendre un espace structuré d’expression estudiantine.
Une frustration légitime, un message à retenir
Le résultat de ce dispositif a engendré, chez plusieurs participants, dont nous faisons partie, un sentiment réel de mise à l’écart, voire de discrimination indirecte. Ce ressenti est d’autant plus vif que certains d’entre nous ont parcouru de longues distances, mobilisé des ressources personnelles et nourri l’espoir légitime de pouvoir s’adresser directement au Président de la République.
Cette tribune n’est ni un procès d’intention ni une remise en cause de l’initiative présidentielle. Elle se veut une contribution critique et constructive, appelant à une amélioration des mécanismes de participation citoyenne juvénile. Si la jeunesse est appelée à être actrice du développement, alors ses espaces d’expression doivent être pensés non seulement en termes de sécurité, mais aussi de représentativité, d’anticipation et de justice participative. La réussite future de tels exercices dépendra moins de leur ampleur médiatique que de leur capacité réelle à capter, sans filtre excessif, la diversité des intelligences et des propositions que porte la jeunesse congolaise.





