La paix en République Démocratique du Congo ne viendra pas seulement des armes qui se taisent, mais d’un État qui retrouve sa capacité à organiser, sécuriser et redistribuer les richesses nationales. À l’heure où notre pays lutte contre des violences persistantes à l’Est, l’instabilité économique chronique et l’évasion de ses ressources naturelles, il est temps d’explorer des solutions économiques ambitieuses et structurantes.
Cette idée n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une tradition congolaise – héritée de l’histoire coloniale et reprise sous le régime du maréchal Mobutu – qui considérait la façade atlantique comme la porte principale de sortie des produits miniers, agricoles et forestiers du pays. Sous l’État indépendant du Congo (EIC) puis le Congo belge, l’axe Katanga – Matadi était la principale voie logistique d’exportation, via le rail (Benguela ou SNCC) et le fleuve. Cette politique a été consolidée sous Mobutu, notamment à travers des investissements dans les ports et le réseau de transport. Il existait alors une vision d’ensemble de la logistique nationale.
Aujourd’hui, la réalité est bien différente : les minerais de l’Est sortent massivement par les pays voisins (Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie) dans un flou juridique et fiscal préoccupant, échappant au Trésor public et alimentant parfois des circuits d’insécurité. Pendant ce temps, les ports de Matadi et de Banana, bien que modernisés en partie, ne sont pas utilisés à leur plein potentiel, et le pays perd des milliards en recettes non perçues.
La centralisation des exportations via Matadi et Banana permettrait un meilleur contrôle fiscal et douanier, en réduisant les sorties frauduleuses des ressources minières, forestières ou pétrolières (1), le développement du Kongo Central, transformé en hub logistique national et régional, créateur d’emplois et stabilisateur économique (2), la construction d’un corridor logistique sécurisé Est-Ouest, stimulant la paix par l’intégration territoriale et la circulation des biens (3) et la restauration de la souveraineté économique, en s’assurant que les richesses congolaises profitent d’abord aux Congolais (4).
Il ne s’agira pas d’imposer une mesure punitive, mais de construire une architecture de transition progressive, accompagnée par des investissements massifs dans les routes, le rail, les entrepôts et la sécurité logistique. En outre cela va permettre d’obtenir des mécanismes de redistribution équitables pour les provinces productrices, via un « Fonds national de développement local ». Ces mesures vont également facilité la transparence dans la gestion des ports, des contrats et des taxes.
Cependant, la fragmentation économique actuelle du pays nécessite une vision nationale, audacieuse et unificatrice, qui fasse de nos ports non pas des frontières oubliées, mais des outils de puissance. L’histoire nous a montré que c’était possible. L’heure est venue de réactiver cette vision, en l’adaptant aux enjeux du XXIe siècle.
Pour une fois, construisons la paix non pas sur les ruines des guerres, mais sur les fondations solides de l’économie nationale maîtrisée. La prospérité n’est pas un luxe : c’est la condition même de la stabilité.

Par Me Reagan Nsadi, Avocat, Assistant et Chercheur.